Travaux de la CNUDCI sur le règlement en ligne des litiges… Il faut penser aux consommateurs !
Tel que nous l’avons mentionné dans notre billet du 21 octobre, deux visions s’affrontent au sein du Groupe de travail III de la CNUDCI portant sur le règlement en ligne des litiges. D’une part, certains préconisent une approche dite de « négo-med-arb », où l’arbitrage serait imposé dès la signature d’un contrat de cyberconsommation. D’autre part, les états où les clauses compromissoires parfaites sont interdites dans le cadre de contrats de consommation favorisent une approche n’imposant pas l’arbitrage, mais laissant plutôt au consommateur le choix d’y inviter l’entreprise une fois qu’un différend émerge.
Étrangement, d’un côté comme de l’autre, l’argument justifiant l’approche préconisée semble être la protection des consommateurs… Encore plus étrange, personne n’a réellement tort.
Les défenseurs de l’arbitrage obligatoire voient ce mécanisme comme la seule façon viable de contraindre le marchand à rembourser le consommateur advenant l’échec de la négociation ou de la médiation. Ils n’ont pas tort : les tribunaux sont nécessairement trop dispendieux pour régler un litige de faible intensité ou la valeur en cause est de quelques dizaines ou centaines de dollars. En effet, les frais de 74,25$ pour l’ouverture d’un dossier à la division des petites créances de la Cour du Québec sont supérieurs à la valeur en litige pour une majorité de contrats de cyberconsommation.
Toutefois, cette inaccessibilité des tribunaux implique également qu’un arbitrage ne sera contraignant qu’en théorie puisque le consommateur qui obtient une décision arbitrale favorable se devra de faire homologuer celle-ci par les tribunaux pour pouvoir en forcer l’application. Or, si les tribunaux sont inaccessibles pour entendre un différend, ils le demeurent pour homologuer la décision arbitrale.
Par ailleurs, il ne faut pas penser que l’arbitrage est gratuit. L’American Arbitration Association réclame des frais de plusieurs centaines de dollars pour un arbitrage, ce qui s’avère ultimement être plus dispendieux que le recours aux tribunaux. Évidemment, il serait possible de créer un mécanisme d’arbitrage simplifié et donc moins dispendieux, mais un tel mécanisme ne serait plus visé par la Convention de New York et, donc, sa « contraignabilité » en souffrirait d’autant.
Finalement, tel qu’il a été exposé dans l’affaire Dell, les clauses compromissoires parfaites, si elles permettent en théorie l’accès à un processus de règlement des litiges moins dispendieux, ont également l’effet pervers de limiter les possibilités d’intenter un recours collectif. C’est d’ailleurs pourquoi le législateur québécois a cru utile d’adopter l’article 11.1 de la Loi sur la protection du consommateur, lequel article est à l’effet que :
« 11.1. Est interdite la stipulation ayant pour effet soit d’imposer au consommateur l’obligation de soumettre un litige éventuel à l’arbitrage, soit de restreindre son droit d’ester en justice, notamment en lui interdisant d’exercer un recours collectif, soit de le priver du droit d’être membre d’un groupe visé par un tel recours.
Le consommateur peut, s’il survient un litige après la conclusion du contrat, convenir alors de soumettre ce litige à l’arbitrage. »
Ce deuxième alinéa reprend la position des membres du groupe de travail qui préconisent le compromis plutôt que la clause compromissoire parfaite. Malheureusement pour le consommateur, la possibilité de convenir de soumettre un litige à l’arbitrage devient purement théorique lorsque le marchand ne subit aucune pression externe de collaborer. En effet, pourquoi, suite à une médiation infructueuse, un commerçant accepterait-il de se soumettre à un processus d’arbitrage lorsqu’il sait qu’une poursuite devant les tribunaux est peu probable? L’expérience de plusieurs systèmes de règlement en ligne des litiges démontre que, à tort ou à raison, les commerçants refuseront de se soumettre à un processus volontaire lorsqu’ils constatent qu’une poursuite devant les tribunaux est financièrement inaccessible pour le consommateur.
Bref, la seule façon de s’assurer de faire bénéficier le consommateur des avantages de l’arbitrage tout en s’assurant de respecter ses droits serait d’adopter une clause compromissoire « imparfaite », c’est-à-dire une clause qui ne serait contraignante que pour le commerçant. Malheureusement, comme cette solution a été écartée lors des premières séances de travail parce qu’inéquitable envers les commerçants, l’opposition entre ces deux voies inefficaces demeure. L’objectif n’était-il pas de protéger le consommateur?
Ce contenu a été mis à jour le 26 novembre 2014 à 15 h 45 min.
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