Comment rédiger un texte sur le règlement en ligne des litiges sans traiter du processus de règlement en ligne des litiges…

Nous en sommes maintenant à quelques jours de la fin des travaux du groupe de travail III : Règlement des litiges en ligne de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Le mandat initial de ce groupe, rédiger « des normes juridiques », s’étant avéré trop ambitieux, celui-ci a été redéfini durant l’été de 2015 pour se transformer en la rédaction d’« un document descriptif non contraignant reprenant les divers éléments du processus de règlement des litiges en ligne ». Le processus en question a toujours été envisagé comme étant celui de la « négo-med-arb » (négociation, médiation, arbitrage), dans cet ordre et sans variations (« négo-med », « négo-arb », etc.), malgré le fait qu’il ne s’agit ni du seul, ni même du principal processus de règlement en ligne des différends présentement utilisé. Qui plus est, puisque la question de l’arbitrage (ou, plus précisément, de la légalité des clauses compromissoires parfaites) a été si polarisante lors de sessions antérieures, la commission a indiqué aux délégations d’exclure « la question de la nature de l’étape finale du processus (arbitrage ou non) » de leurs travaux pour se concentrer sur les seules étapes du processus « qui avaient fait l’objet d’un consensus ». Résultat : l’on doit aujourd’hui produire un texte présentant un mécanisme en trois étapes sans traiter de l’une de celle-ci…

Les deux premières journées de discussions ont démontré l’aspect périlleux d’un tel exercice, malgré le fait que la version de travail du texte ayant été soumises aux délégations ne comporte plus qu’une poignée d’éléments à valider. Par exemple, la quasi-totalité des discussions du premier mars a porté sur l’article 53 du projet de « note » (soulignons que le terme « note » est lui-même extrêmement chargé et ne fait pas l’unanimité), lequel se lisait initialement ainsi :

« 53. Si le tiers neutre n’est pas parvenu à faciliter le règlement du litige, il est souhaitable que l’administrateur de procédures de règlement des litiges en ligne se fonde sur les informations soumises par les parties pour leur rappeler, ou leur présenter, les options susceptibles d’être choisies pour la dernière étape du processus, et qu’il s’assure qu’elles sont conscientes des conséquences juridiques du choix des différentes options. »

Ce texte constitue un exemple patent d’un verbiage inutile visant à exprimer une idée pourtant si simple : Si la médiation échoue, les parties peuvent choisir de soumettre leur différend à un mécanisme décisionnel (arbitrage, tribunal, détermination par un expert, etc.). Malheureusement, une telle formulation s’avère impossible en vertu du mandat révisé confié au groupe de travail. Elle est également problématique parce qu’elle laisse transparaître l’existence d’un choix : les parties peuvent choisir de soumettre leur différend à un arbitre, excluant ainsi la possibilité d’inclure une clause compromissoire parfaite dans tout contrat d’achat en ligne, position inacceptable pour certaines délégations… La solution serait donc d’indiquer que les parties doivent soumettre leur différend à un arbitre, mais cette formulation demeure problématique en vertu, notamment, de la Convention de Rome.

Ceci étant, le texte de l’article 53 présenté ci-haut s’est avéré tout aussi insatisfaisant pour plusieurs et, après de longues discussions, les délégués se sont finalement entendus sur la terminologie suivante (en anglais, la version française n’ayant pas encore été formulée) :

« If the neutral has not succeeded in facilitating the settlement, it is desirable that the ODR administrator or the neutral inform the parties of the nature of the final stage and of the form that it might take. »

Que de mots pour, finalement, dire si peu de choses… Ne va-t-il pas de soi que, si une troisième phase est disponible, le gestionnaire de la plateforme ait tout intérêt à informer les parties de son existence? Ceci étant, éliminer la disposition créerait un vide dans le texte. En effet, comment expliquer que ce dernier vise un mécanisme en trois étapes sans tout au moins inclure une mention relative à la troisième et dernière étape? « Negociation + médiation + quelque chose = processus en trois étapes » demeure plus logique pour tout individu capable de compter jusqu’à trois que « négociation + médiation = processus en trois étapes ».

Dans les corridors de la CNUDCI, l’expression « mieux que rien » semble être la plus couramment utilisée pour décrire le document. La question devient donc « mieux que rien pour qui? ». Pour les consommateurs, les administrateurs de plateformes de règlement en ligne des différends, ou, plutôt, pour les délégués et observateurs (dans lesquels nous nous incluons) qui, après six ans de travail, refusent d’accepter que leurs efforts aient été en vain?

Les travaux se poursuivent jusqu’au 4 mars 2016, date butoir qui marquera la dissolution du groupe de travail. Il ne reste donc que trois jours pour en arriver à un compromis sur les clauses qui causent toujours problème et – nous l’espérons toujours – produire un document utile pour la communauté internationale.

Ce contenu a été mis à jour le 26 avril 2016 à 12 h 02 min.

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